Les derniers jours

Début mars 1941, le fromager de Soing, étranger d'origine suisse-allemande, prévient Henry Choulet, un autre beau-frère de Jules Mongin, que les allemands ont effectivement constaté la disparition du soldat Ahrons, qu'ils savent tout et qu'Arthur Létang et Jules Mongin doivent gagner la zone libre

Mais les deux hommes décident de rester afin de ne pas exposer leurs familles à la hargne des allemands

Le dimanche 23 mars, trois Feldgendarmes arrivent à Vanne en automobile et embarquent Jules Mongin, qui soignait du bétail dans son étable, et le conduisent à Gray où il sera emprisonné

Sa femme, Marthe, n'aura que le temps d'apercevoir une main s'agiter à l'arrière du véhicule... elle ne reverra jamais son mari vivant

Dans l'après-midi, les Feldgendarmes reviennent à Vanne

Ils arrêtent Louis, le fils aîné de Jules Mongin, et l'emprisonnent à Gray où il sera sévèrement interrogé pendant plusieurs jours avant d'être libéré

Le même jour également, à Vesoul, d'autres Feldgendarmes procèdent à l'arrestation de Jean, le deuxième fils de Jules Mongin, élève au Lycée Gérôme, et le transfèrent à Gray

A Soing, d'autres Feldgendarmes arrêtent le maire, Octave Vairon, et le transfèrent également à Gray

Les prisonniers sont isolés et aucune question ne leur est posée

Le mardi 25 mars, les Feldgendarmes reviennent à Vanne, embarquent Arthur Létang et le transfèrent également à Gray

Les prisonniers subissent leurs premiers interrogatoires et livrent leur version : le soldat allemand les a attaqué et ils n'ont fait que se défendre

Le mercredi 26 mars, les prisonniers sous bonne escorte prennent la route de Vesoul, via Soing où Jules Mongin doit indiquer aux Feldgendarmes les lieux de la sépulture du soldat allemand et de l'immersion de la moto

Félix Mey, l'éclusier, est également arrêté et le convoi repart pour la maison d'arrêt de Vesoul et entretemps, Jean, le deuxième fils de Jules Mongin, a été libéré

Le vendredi 28 mars, à Pont De Planche, les hommes considérés par les Feldgendarmes comme témoins sont appelés à la mairie et y subissent un interrogatoire serré et deux hommes, Paul Baudry et Léon Migneret, sont incarcérés à la prison de Vesoul

Ils seront libérés quelques jours plus tard

Le samedi 29 mars, Arthur Létang et Jules Mongin sont à nouveau interrogés et doivent à nouveau indiquer les emplacements exacts du corps et de la moto

Le dimanche 30 mars, les autorités françaises procèdent à la recherche de la moto qui sera retirée des eaux en fin de matinée et examinée par les Feldgendarmes

Quelques heures plus tard, à Vanne, les Feldgendarmes arrêtent Marcel, 15 ans, le troisième fils de Jules Mongin et le transfèrent à Gray

Le lundi 31 mars, Arthur Létang et Jules Mongin sont ramenés sous bonne escorte à Soing, où le corps du soldat allemand est exhumé sur les indications de Jules Mongin

Puis les deux accusés doivent à nouveau se prêter à une reconstitution des faits

Pendant ce temps, à Vanne, Marcel est libéré mais les Feldgendarmes arrêtent Martin, le fils de Arthur Létang, qui sera libéré à son tour le lendemain

Le samedi 5 avril, Arthur Létang et Jules Mongin sont confessés dans leurs cellules par l'archiprêtre de Vesoul

Le dimanche 13 avril, c'est le jour de Pâques, mais Jules Mongin (qui a pu recevoir pendant quelques minutes ses deux dernières filles, Lucette et Anne-Marie, conduites jusqu'à lui par des soldats allemands) est alité par une grave crise d'asthme et ne peut pas assister à l'office

Le mardi 15 avril, Marthe, la femme de Jules Mongin, écrit au Maréchal Pétain pour lui demander une intervention en faveur de son mari, dont l'état de santé se détériore

Le samedi 19 avril, nouveaux interrogatoires, Arthur Létang et Jules Mongin acceptent d'être défendus par l'avocat que les allemands ont désigné : Maître Wandal, d'épinal (Vosges)

Le samedi 26 avril, c'est le jour du jugement. L'audience va débuter à neuf heures et peu avant quinze heures la sentence tombe : Arthur Létang et Jules Mongin sont reconnus coupables et condamnés à mort

Le 14 mai 1941 à 6h10, Arthur Létang et Jules Mongin, qui ont refusé de se laisser bander les yeux et lier les mains, sont fusillés par les soldats allemands au lieu dit "Combe Freteuille" à Frotey Les Vesoul

Epilogue

Jules Mongin et Arthur Létang seront les premiers d'une liste de 41 français à être fusillés par les allemands à cet endroit

Depuis, chaque année, le 28 mai, est organisée une cérémonie commémorative... et leur acte a été reconnu comme étant le tout premier acte de résistance civile française de la guerre

On estime à près de 60 millions le nombre des morts suite à ce conflit, dont une grande partie sont des civils, ceci expliqué par les bombardements des grandes villes, les déportations ou les fusillades auxquels il faut ajouter des conditions de vie difficiles pour ces populations en temps de guerre, touchées par la famine et les épidémies

Mais comment l'homme a-t-il pu en arriver là ?